Des Terre-Neuviens lancent l’assaut

Récits de survivants

Un blessé transporté sur le dos de son sauveteur est tué

(Daily Mail, 14 juillet)

[Traduction]

« Terre-Neuviens, je vous salue individuellement. Vous avez mieux fait que les meilleurs ».

C’est ainsi qu’a parlé le général en s’adressant aux hommes du Newfoundland Regiment suivant la grande offensive du 1er juillet. Les Terre-Neuviens avaient à remplir une mission que l’on peut qualifier aujourd’hui d’impossible à réaliser et même s’ils ont échoué, l’histoire de leur bravoure et de leur audace vivra à jamais.

Le régiment attendait, en réserve, de prendre sa place et de s’acquitter de sa mission dans la grande offensive, à savoir capturer la troisième ligne de tranchées allemandes juste devant. La tâche de prendre les première et deuxième lignes ennemies avait été confiée aux régiments de ligne britanniques.

« Toutes les lignes allemandes, raconte un témoin oculaire, étaient balayées par des centaines de milliers d’obus. Ça semblait impossible qu’il reste âmes qui vivent. Soudainement, l’artillerie s’est arrêtée et les régiments anglais ont attaqué. Comme par miracle, les lignes allemandes se sont mises à grouiller d’hommes, les mitrailleuses crachaient de derrière les ruines et de la gueule de fausses cachées, même des cratères d’obus. Les troupes britanniques n’ont pas flanché, mais les hommes tombaient un à un et peu d’entre eux ont pu atteindre les tranchées allemandes. D’autres obus ont continué à voler au-dessus de ce champ d’hommes morts et puis d’autres troupes se sont lancées dans l’attaque. Les mitrailleuses allemandes ont encore frappé leur marque et, une fois de plus, l’assaut a failli.

C’était maintenant au tour des Terre-Neuviens. Ils ne se sont pas laissés démontés par le sort infligé à leurs camarades. Ces gars, leur moyenne d’âge était inférieure à vingt-quatre ans, étaient aussi solides que des vétérans, aussi solides que sur le champ d’exercices à St. John's quand ils se sont embarqués pour l’Angleterre et pour combattre pour l’Empire. Pas un homme n’a hésité. Dans un cri de ralliement, ils ont sauté le parapet et en compagnie du colonel Fighting Chitral’ Haddo ils ont tenté l’impossible.

« Droit dessus cette fois »

Les officiers tombaient à droite et à gauche, mais en tombant ils faisaient signe à leurs hommes d’avancer. Right on it this time (Droit dessus cette fois) était la devise. Un sous-lieutenant s’est rapidement retrouvé à la tête de la compagnie et comme il s’écroulait, un sergent s’est élancé pour prendre sa place. Les compagnies fondaient, mais chaque homme lorsqu’il tombait s’écriait toujours : « droit dessus, les gars, droit dessus cette fois! ». C’était leur devise et, bondissant d’un cratère d’obus à un autre, ces valeureux hommes s’acharnaient à atteindre les lignes allemandes. Quelques-uns ont atteint les barbelés allemands qui, incroyablement, étaient restés quasiment intacts, mais ils ne pouvaient faire plus. L’assaut était terminé, ils avaient failli mais dans la bravoure, car dès le départ ils avaient réalisé que ce qui avait été impossible à réussir pour huit régiments anglais n’était pas possible pour eux.

Cette nuit-là, peu d’hommes sont revenus derrière les lignes britanniques, mais l’esprit de Terre-Neuve est indomptable; déjà le régiment se rebâtit. Pour chaque homme tombé dans ce glorieux combat, deux autres sont volontaires, anxieux de reprendre leur place et tous brûlent du désir de venger le camarade, le frère ou le cousin qui est tombé.

Il existe maintenant, tout juste derrière les lignes britanniques dans cette partie du champ, quelques monticules de terre qu’aucun Terre-Neuvien n’omettrait de saluer : le cimetière de ceux qui sont morts au combat ce 1er juillet. Les réservistes se sont portés volontaires au dernier homme pour récupérer leurs morts et, sous la pluie de tirs d’obus et de fusils allemands, ils se sont acquittés de la tâche. « On voulait que les gens à la maison», a dit un homme qui a fait sa part « sachent que nos camarades reposaient en paix, que l’aumônier avait récité la prière des morts et que ceux qui étaient vivants vivaient pour faire payer les Allemands ».

Actes de bravoure V.C.

Les survivants ont plein de récits illustrant le courage de leurs camarades. Ils racontent comment le Capitaine J.A. Ledingham, cadet des capitaines, a mené sa compagnie dans l’assaut, comment il est tombé blessé à trois endroits, comment il s’est traîné dans un cratère d’obus, gisant plus mort que vivant pendant plus de cinq heures. Puis, il a entendu les gémissements d’un camarade et jetant un œil au-dessus de son abri, il a aperçu, gisant à quelques verges de lui et quasiment mort, son vieux copain terre‑neuvien, le Lieutenant Robertson. Le Capitaine Ledingham, à peine capable de bouger, s’est traîné jusqu’à son camarade et, sous une pluie de balles et d’obus, l’a pris sur son dos et ramené en rampant derrière les lignes britanniques.

On raconte aussi comment le Lieutenant C.S. Frost, un caissier de banque originaire de la Nouvelle-Écosse, a quitté à trois reprises la relative sécurité de la tranchée pour ramener des camarades blessés. Il les a tous ramenés, mais deux ont été criblés de balles alors qu’il rampait péniblement vers les lignes et ils sont morts sur son dos.

Dans l’assaut, il y avait un jeune soldat qui, à peine une heure ou deux auparavant, s’était retrouvé pour la première fois sous la ligne de feu. Il a sauté le parapet avec ses camarades et est probablement un de ceux qui se sont le plus approchés des lignes allemandes. Tous ses camarades ont été fauchés et il est tombé dans un cratère d’obus remplis de morts. Il avait perdu complètement le sens de direction; il ne pouvait plus dire quelles étaient les lignes allemandes et lesquelles étaient les lignes britanniques. Il est resté sur place quatre jours, les obus explosant tout autour de lui et les balles venant, lui semblait-il, de toutes parts s’il montrait simplement le bout du nez.

Épreuve de quatre jours

Ses rations se sont rapidement épuisées et il a dû prendre de la nourriture et de l’eau des provisions des morts autour de lui. Au bout de quatre jours, il a décidé de retourner aux tranchées, mais il ne savait pas lesquelles. Par chance, il a choisi la bonne direction et a été récupéré par une patrouille britannique. Il était peu perturbé par son aventure et sa seule explication a été la suivante : « Et bien, j’en ai eu marre d’être là et j’ai décidé de rentrer, c’est tout ».

Une section de mitrailleuses sous le commandement d’un officier et dix sous-officiers avec quarante-huit hommes et huit mitrailleuses sont passés à l’action. Seulement quelques-uns sont revenus, mais ils ont rapporté leur précieuse mitrailleuse. Subséquemment, les sept autres ont été récupérées.

Tout le monde parle dans les termes les plus élogieux du sens de devoir du Newfoundland RAMC. Les hommes sont sortis à maintes reprises sous les tirs d’obus et de francs-tireurs pour secourir les blessés. [Traduction]

Source : The Daily News, 29 juillet 1916  

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