Le capitaine parlait, l’index pointé vers Hawthorn Ridge. « La mine explose demain à 7 h 20. »

« L’heure H est 7 h 30? » a demandé l’un des officiers.

Le capitaine a regardé autour de la table et vu d’autres visages interrogateurs. Un autre a pris la parole. « Pourquoi diable leur donner 10 minutes pour se regrouper, monsieur? »

« D’après l’état major, il y a 40 000 libres d’ammonal sous cette redoute! Pensez-vous que les boches vont se remettre d’une telle secousse en 10  minutes? »

La question est demeurée sans réponse, tout comme beaucoup d’autres. En général, par contre, ils avaient confiance dans ce que leur disaient les généraux. L’ennemi devait souffrir énormément des attaques massives d’artillerie dirigées nuit et jour contre ses lignes depuis une semaine entière. Le Général Haig avait réuni une armée dont certains disaient qu’elle se déployait sur 60 milles. La grande charge pouvait difficilement échouer.

(Pages 20-21 )
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Il y en avait 66, fraîchement arrivés de Rouen ce matin-là. Lorsque Hayward et Clarke sont arrivés, ils étaient assis sur leurs sacs, venant tout juste d’être passés en revue par le colonel. Ils avaient l’air vaillants, malgré l’excursion des quelques derniers milles depuis la gare ferroviaire.

« Petits morveux, a chuchoté Clarke. Quelqu’un aurait dû leur dire qu’ils devaient être sevrés avant de pouvoir s’enrôler. »

Il a amené Hayward vers quelques-uns de ceux qui semblaient les plus jeunes. « De quelle partie de Terre-Neuve venez-vous, messieurs? »

« De Trinity Bay, monsieur. »
« Les deux? »
« Oui monsieur. Lui et moi sommes cousins. »
« Et qu’est-ce qui vous amène dans cette partie du monde? »
« Pardon, monsieur? »
« Pourquoi êtes-vous ici, alors, soldat? »
« La guerre, monsieur. Nous sommes ici pour contribuer à l’effort de guerre. »
« Avez-vous déjà chassé le phoque? »
« Très souvent, monsieur. J’aurais eu un poste sur le Stephano ce printemps si je n’avais pas été recruté. »
« Vous savez, ceci ressemble beaucoup à la chasse au phoque. Mais les phoques ont des armes et ils sont tout aussi intelligents que vous. »

Ils se sont regardés et ont ri à gorge déployée.

(Pages 80-81 )
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Le colonel se tenait devant eux, ses mains gantées jointes et appuyées sur le pommeau argenté de sa canne. Il a balayé les lignes du regard avant de parler. « La plupart d’entre vous, je le sais, attendaient impatiemment cette journée. Vous n’auriez pu arriver à un meilleur moment. Avant la fin de la journée, vous ferez partie du plus grand déploiement de la guerre, et à la même heure demain, vous ferez partie de notre plus grande victoire. Aucun soldat ne pourrait demander mieux. Je sais que je peux compter sur vous, comme je peux compter sur n’importe quel autre homme de notre Newfoundland Regiment. Lorsque les choses se corseront, pensez à quel point vous devez être fiers de vous, sachant ce que vous êtes en train de faire pour Dieu et votre pays. »

(Page 86)

« Des triangles métalliques? »

« Ce sont les ordres, mon vieux. » Smith n’allait pas lui dire que c’était pour que leurs avions les repèrent plus facilement s’ils se faisaient abattre. »

(Page 94)

Certains de ceux qui pataugeaient dans ce coin connaissaient le terrain, puisqu’une partie du régiment y avait travaillé pour creuser une bonne part de la tranchée où ils se trouvaient. C’était un trou de boue quelques jours auparavant. Les caillebotis les gardaient à l’abri de la vase qui restait, mais il était impossible d’y échapper complètement.

(Page 168)
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À sa surprise, le caporal ne semblait pas s’inquiéter. Il semblait s’y attendre. D’après ce que pouvait en juger Hayward, il était loin des tranchées pour le moment. Il a sorti une enveloppe de la poche de son uniforme et l’a mise dans la main de Hayward.

« Pourriez-vous prendre ceci, monsieur? Je pense qu’elle serait plus en sécurité entre vos mains. »

Hayward n’a rien dit et n’a pas bougé sa main.

« J’ai l’impression qu’elle le sera, monsieur. C’est pour ma tante. Elle aura besoin de quelque chose. »

Sa tante à St. George était la seule personne proche dont il eut jamais parlé. Hayward s’était posé des questions sur ses parents, mais n’en avait jamais parlé.

« Elle ne sera pas plus en sécurité si je la prends. »
« Je dois être certain qu’elle lui parviendra. »
« Elle lui parviendra. » Il a remis l’enveloppe dans la main du caporal.

Après un moment, elle était de retour dans la poche de son uniforme. « Vous n’oublierez pas qu’elle est là? »
« Je ne peux imaginer l’oublier. »
« Je vous remercie, monsieur. »

(Page 183)

Le spectacle qu’il a vu à cet endroit l’a glacé au point de ne pouvoir répondre aux cris de Hayward. La fine brèche coupée dans les barbelés était bouchée par des corps, et tout autour, il y avait des blessés, dans des états plus lamentables les uns que les autres. Smith et quelques autres traînaient les morts à l’écart, essayant d’ouvrir un passage pour la nuée d’hommes désespérant de passer à travers. L’un des Gallois morts avait l’uniforme pris dans les barbelés et était suspendu presque debout, la tête nue penchée vers l’arrière, la mâchoire de travers.

Et l’on n’abandonnait toujours pas. Les boches avaient beau jeu, leurs armes fixées sur les trous dans les barbelés. Les hommes étaient abattus comme des caribous sur l’Île, regroupés au moyen de clôtures faites d’épinettes coupées.

(Page 237)

Pour la première fois, ils ont aperçu la clôture des boches. Elle se dessinait au loin, non pas cette masse pulvérisée qu’on leur avait prédite, mais plutôt une menaçante barrière de barbelés, tout juste entaillée, un cruel obstacle final. Le sol qui les amènerait jusqu’à elle était en pente descendante, passait par un bouquet d’arbres, la configuration du terrain faisant d’eux des cibles faciles pour les boches.

Il n’y avait presque plus de branches aux arbres. Un arbre se dressait à l’écart des autres, comme une pierre tombale; il était entouré des cadavres de plusieurs hommes du régiment. Martin a pu voir que l’un d’eux était Mayo Lind, celui qui avait écrit la lettre.

(Page 240)

 

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